Les trésors préhistoriques de Le Change : une plongée au cœur de la vallée des premiers hommes

15 septembre 2025

Le site du Roc de Saint-Cirq : la mémoire du Magdalénien

Le site du Roc de Saint-Cirq, situé sur la commune de Le Change, constitue l’un des principaux repères préhistoriques de la région. Surplombant la Vézère, cette falaise imposante dissimule plusieurs abris sous roche qui furent occupés par l’Homme préhistorique, essentiellement au Magdalénien (environ 17 000 à 12 000 ans avant notre ère).

  • Des fouilles majeures menées au XIXe et XXe siècles – Dès 1864, Edouard Lartet et Henry Christy, deux pionniers de la préhistoire européenne, fouillent les abris du Change. Entre 1900 et 1930, les recherches se systématisent, révélant un matériel exceptionnel : grattoirs, sagaies, harpons en os, fragments d’art mobilier.
  • Un site clé pour comprendre le Magdalénien – Les archéologues y ont retrouvé de nombreux indices sur la vie quotidienne des Magdaléniens : outils de pierre, pointes de projectile en os, restes de faune chassée (cheval, renne, bovidé).
  • Découvertes d’art mobilier – Plusieurs bâtons et plaquettes gravés, ornés de motifs animaliers, témoignent du sens artistique de ces chasseurs-cueilleurs, confirmant le rôle du Roc de Saint-Cirq comme un atelier de production d’art paléolithique (source : Musée national de Préhistoire, Les Eyzies).

Une petite anecdote : la saga du bâton percé

En 1888, alors que des ouvriers terrassent un abri, ils mettent à jour un étonnant bâton percé, gravé d’un cheval. Offert à Félicie d’Aymar, figure locale, il circule pendant des décennies avant de rejoindre finalement les collections nationales. Cet objet typique des Magdaléniens conserve encore aujourd’hui tous ses mystères quant à sa réelle utilité : outil pour droitier ? Symbole ? Dispositif de chasse ? Les débats restent ouverts.

Des abris troglodytes aux habitats préhistoriques du Change

Au fil des chemins qui serpentent le long de la falaise calcaire, on distingue encore la silhouette de plusieurs abris sous roche ayant servi de refuge, de lieu de vie ou d'atelier à l’Homme du Paléolithique puis du Néolithique.

  • Caractéristiques des abris – Contrairement aux idées reçues, peu d’hommes vivaient au fond de véritables "grottes" : la majorité des occupations se déroulaient à l’abri de surplombs naturels, permettant la lumière tout en protégeant du vent et des intempéries.
  • Ruissellement et dépôts archéologiques – Des couches d’une quarantaine de centimètres, observables par endroits, recèlent un mille-feuille d’objets archéologiques. Certains abris du secteur ont livré jusqu’à 6 niveaux d’occupation successifs, révélant une fréquentation sur plusieurs millénaires.
  • Aujourd’hui – Plusieurs de ces abris sont visibles depuis les sentiers (notamment au « Chemin des Falaises »), même si l’accès à certaines zones reste limité pour préserver le site. Il est recommandé d’être attentif aux panneaux d’information installés sur le parcours, qui synthétisent les principales découvertes.

Évolution du paysage, mégalithes et traces du Néolithique

La vallée du Change ne se contente pas de vestiges liés aux chasseurs magdaléniens. Dès le Ve millénaire avant notre ère, la sédentarisation gagne le Périgord et laisse dans la région quelques traces, discrètes certes, mais précieuses :

  • Les « Pierres Plates » – On rapporte l’existence de dolmens ou de tumulus arasés dans la campagne proche (notamment en lisière de forêt du côté de la route de Cubjac). Bien que la plupart aient souffert des siècles, certains blocs mégalithiques subsistent, parfois réemployés en murets ou placettes. Les chercheurs locaux, comme l’archéologue Jean Granier, signalent au moins deux sites protohistoriques méconnus aux environs immédiats du village (voir : Périgord Découverte).
  • Céramiques et silex polis – Quelques découvertes plus récentes (début XXIe siècle) lors de travaux agricoles affleurent autour de Le Change : haches polies, becs verseurs de pots, éclats de silex retouchés. Ces objets attestent de la présence de communautés d’agriculteurs et d’éleveurs, bien après la fin des sociétés de chasseurs-cueilleurs.

Objets issus de la préhistoire : où les voir ?

Si la majorité des vestiges exhumés dans la région de Le Change sont aujourd’hui conservés dans les musées nationaux ou locaux, il reste possible d’en observer certains éléments sans quitter la vallée. Voici où s’orienter :

  1. Le Musée national de Préhistoire des Eyzies-de-Tayac – À moins de 20 km, ce musée de référence expose de nombreux objets découverts à Le Change : outils en silex, pièces en os, bâtons gravés, fragments d’art mobilier. Les vitrines consacrées au Magdalénien font souvent référence aux sites du Roc Saint-Cirq et aux abris du Change (voir : site officiel).
  2. Le Musée d’Art et d’Archéologie du Périgord à Périgueux – Moins spécialisé mais riche en collections régionales anciennes, ce musée expose parfois, lors d’expositions temporaires, des pièces provenant des alentours de Le Change.
  3. Les tables d’interprétation et panneaux sur site – Sur le "Sentier du Roc", divers points d’arrêt proposent des explications illustrées sur l’histoire du site, l’origine des outils ou la vie quotidienne des premiers habitants.

Astuce locale : il existe, à la médiathèque et à la mairie, des brochures réalisées avec l’aide d’archéologues, détaillant le contexte des principales découvertes dans le secteur.

La vallée de la Vézère, berceau de la préhistoire mondiale : pourquoi Le Change fait la différence

Si le Périgord Noir regorge de sites préhistoriques célèbres, Le Change s’inscrit dans un écosystème exceptionnel entre Lascaux et les Eyzies, tout en conservant un caractère plus confidentiel. Plusieurs raisons expliquent ce statut particulier :

  • Un carrefour de passages depuis près de 20 000 ans – La tente rocheuse du Roc de Saint-Cirq surveillait, dès l’époque préhistorique, l’un des gués les plus faciles sur la Vézère, liant la vallée à la double influence atlantique et méditerranéenne.
  • Un potentiel encore sous-exploité – Contrairement aux grandes grottes ornées, les sites du Change n’ont pas été vidés de leur mobilier à des fins touristiques dès le XIXe siècle, ce qui a permis la conservation de plusieurs zones quasi intactes, très appréciées des archéologues du XXe siècle.
  • L’histoire continue des découvertes – De nouvelles prospections (notamment depuis les années 1990 avec la collaboration de l’INRAP et du CNRS) ont permis de mieux comprendre la chronologie de l’occupation humaine de la falaise. À chaque campagne de fouilles, des objets ou traces inédites sont révélés au grand jour – parfois à quelques mètres seulement des sentiers de randonnée accessibles au public.

Préparer sa visite : conseils pratiques et respect du patrimoine

La découverte de ces témoins de la préhistoire se vit à la fois sur le terrain et à travers la médiation scientifique. Quelques recommandations pour une visite réussie :

  • Empruntez les circuits balisés : le "Sentier des Falaises" (environ 3 km) longe la Vézère et offre de belles vues sur les sites majeurs, tout en restant accessible à toute la famille.
  • Ouvrez l’œil ! : certains abris sont facilement repérables, d’autres se fondent dans la roche ou la végétation. Les formes d’érosion, traces de foyers anciens ou restes de morceaux de silex cassés peuvent évoquer la longue présence humaine.
  • Respectez les sites : il est interdit de ramasser des objets archéologiques ou de pénétrer dans les zones protégées (risques d’effondrement, préservation du patrimoine).
  • Pensez à consulter les panneaux pédagogiques ou à faire appel, certaines périodes de l’année, à un guide bénévole qui pourra raconter, au fil du parcours, les anecdotes et histoires du site.

Bon à savoir : chaque année, lors des Journées européennes du Patrimoine, il arrive que des visites exceptionnelles et des démonstrations d’archéologie expérimentale aient lieu à Le Change ou dans les environs immédiats. Une occasion à ne pas manquer pour petits et grands !

À la rencontre d’un monde disparu, sur les chemins de demain

Le Change, en Dordogne, invite à un voyage dans le temps aussi émouvant qu’éclairant. S’arrêter devant un abri sous roche ou une falaise gravée, c’est se sentir tout petit face à la créativité, l’adaptation et la persévérance des premiers habitants de la vallée. La richesse relativement confidentielle de ces sites incite à les explorer avec curiosité et respect, loin de l’affluence des grandes grottes ornées. Peut-être croiserez-vous, au détour d’un chemin, quelque chercheur occupé à gratter la terre ou à photographier une strie dans la roche – un rappel que, dans le Périgord, la préhistoire reste un patrimoine vivant et partagé.

Pour approfondir :

  • Ouvrage de référence : « La Préhistoire dans la vallée de la Vézère », collective sous direction de J. Jaubert (Ed. Sud-Ouest, 2018).
  • Musée national de Préhistoire, Les Eyzies
  • Base de données du Service Régional d’Archéologie (DRAC Nouvelle-Aquitaine).

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