Aux origines de la vallée : ce que les vestiges préhistoriques révèlent sur la vie des premiers habitants de Le Change

26 septembre 2025

Un terroir habité depuis la nuit des temps

Au fil des promenades le long de l’Isle, difficile d’imaginer que la vallée de Le Change fut, il y a des millénaires, un centre d’activité humaine intense. Pourtant, les sols recèlent des indices inestimables : outils façonnés, pierres gravées, et abris ornés qui évoquent la présence de nos tout premiers ancêtres dans le Périgord. Car ici, la préhistoire n’est pas qu’un lointain passé ; elle est inscrite dans la roche et les rivières, témoignant de milliers d’années d’occupation humaine.

Situé à une dizaine de kilomètres au nord-est de Périgueux, Le Change et sa vallée bénéficient d’un terrain particulièrement favorable à l’installation humaine. La présence de grottes, la douceur du climat et la proximité de l’Isle, véritable « autoroute naturelle » de l’époque, en faisaient un lieu idéal pour les chasseurs-cueilleurs puis les premiers agriculteurs.

Les grandes découvertes préhistoriques autour de Le Change

Le patrimoine préhistorique de Le Change s’inscrit dans la longue tradition archéologique du Périgord, surnommé le « berceau de la préhistoire ». Voici les principaux sites et trouvailles marquantes qui contribuent à notre compréhension de la vie dans la vallée de l’Isle :

  • La grotte du Moustier : Située à une dizaine de kilomètres de Le Change, ce site emblématique du vallon de la Vézère a donné son nom au moustérien, culture associée à l’homme de Néandertal (environ 40 000 à 35 000 av. J.-C.). Si cette grotte n’est pas dans Le Change, les mêmes types de silex et d’outils découverts à proximité de l’Isle témoignent d’une circulation des techniques et probablement aussi des groupes humains (Culture Préhistorique du Périgord).
  • Les abris sous roche de la vallée de l’Isle : Les falaises calcaires qui bordent l’Isle regorgent de petits abris naturels où les archéologues ont retrouvé, dès le XIXe siècle, des vestiges attribués à l’Aurignacien et au Magdalénien (35 000 à 12 000 av. J.-C.). Ateliers de taille de silex et foyers y ont été identifiés.
  • L’industrie lithique de l’âge du bronze : Près de Le Change, des pointes de flèches en silex taillé, des grattoirs et des lames témoignent de l’apparition de nouvelles techniques de taille et d’échanges de matières premières, certaines venant de plusieurs centaines de kilomètres (obsidienne d’Auvergne par exemple).

Un quotidien révélé par la pierre et l’os : outils, habitats et alimentation

Comment vivaient ces premiers habitants ? Les vestiges matériels parlent : c’est par les outils abandonnés, par l’organisation des lieux de vie que les archéologues reconstituent le quotidien des chasseurs-cueilleurs puis des premiers agriculteurs de la vallée.

La taille du silex, une spécialité locale

  • Ateliers de débitage : De nombreuses zones à proximité de l’Isle conservent des éclats de silex, morceaux issus du façonnage d’outils. Certains indices, comme la présence de « nuclei » (noyaux de silex), montrent que Le Change était un véritable atelier préhistorique. Les archéologues estiment que jusqu’à 80 % des outils retrouvés dans la vallée sont en silex local (sources : Musée d’Art et d’Archéologie du Périgord).
  • Outils retrouvés : Grattoirs, burins, couteaux plats et pointes diverses. Ces instruments servaient aussi bien à travailler la peau des animaux, à couper la viande qu’à fabriquer des vêtements ou préparer des filets de pêche.

Un habitat adapté au climat périgourdin

Les grottes, abris sous roche et terrasses naturelles ont joué un rôle fondamental. À Le Change, plusieurs de ces abris ont livré des restes de foyers, de foyers collectifs, cendres et ossements de faune consommée.

  • Protection naturelle : Les abris offraient une protection contre la fraîcheur des hivers et la chaleur estivale. Les vestiges de foyers et de sols d’occupation datés par le carbone 14 donnent des occupations variant de quelques semaines à plusieurs mois.
  • Organisation sociale : Les regroupements de foyers suggèrent des groupes de 10 à 30 personnes, probablement des familles élargies vivant en petits clans mobiles, adaptant constamment leur campement au rythme des saisons et des migrations du gibier.

Une alimentation variée et adaptée à l’environnement

Le contenu des foyers et les amas coquilliers retrouvés sur certains sites proches de Le Change révèlent un régime alimentaire diversifié :

  • Viandes de grands mammifères : bison, aurochs, chevaux, parfois même rhinocéros laineux pour les périodes les plus anciennes (Magdalénien). Les ossements portent les traces de découpe et de bris volontaires pour l’extraction de la moelle – une pratique attestée partout dans la région.
  • Chasse aux petits animaux : lièvres, oiseaux et poissons complétaient l’ordinaire, tout comme la cueillette de baies, de racines et de fruits sauvages.
  • Premiers signes d’agriculture : À la période néolithique (après 6000 av. J.-C.), les premiers silos enterrés et des restes de céréales carbonisées prouvent l’adoption progressive de la culture et de l’élevage — une petite révolution dans la vallée qui bouleverse le rapport à la nature (Périgord Responsable).

L’art préhistorique autour de Le Change : entre spiritualité et quotidien

La vallée de l’Isle, bien que moins connue que la Vézère pour ses peintures rupestres, n’est pas étrangère à la créativité humaine la plus ancienne.

  • Gravures et objets décorés : Quelques galets et os gravés ont été retrouvés près de la vallée de l’Isle, portant des motifs géométriques, animaux stylisés ou scènes de chasse. Ils témoignent d’une expression symbolique, probablement liée à des croyances ou à des rituels, mais aussi à la transmission du savoir.
  • Bijoux et parures : Perles en ivoire de mammouth, pendeloques en dents d’animaux perforées, souvent retrouvées dans les nécropoles néolithiques du secteur, illustrent une culture matérielle raffinée et un désir d’identification sociale (sources : INRAP, Dossier Préhistoire Périgord).

Les abris préhistoriques servent parfois de « galerie d’art ». Une anecdote locale veut que certains écoliers, au début du XXe siècle, utilisaient ces abris comme terrain de jeu, sans se douter qu’ils étaient entourés de bijoux d’art millénaire !

Le Change, carrefour d’échanges et de migrations préhistoriques

Si Le Change paraît aujourd’hui un village tranquille, sa vallée fut en réalité à la croisée de routes préhistoriques. On sait que les populations de la vallée de l’Isle échangeaient outils, silex et parures sur de longues distances. Des analyses pétrographiques récentes ont montré que certains silex de l’Isle venaient de Corrèze, voire d’Auvergne et du Massif Central.

Les découvertes de coquillages marins destinés à la parure – alors que l’océan se trouve à plus de 120 km – attestent également de réseaux d’échange établis dès la fin du Paléolithique (Périgord Dordogne Fr). Ce dynamisme commercial met en lumière l’ingéniosité et l’ouverture des sociétés préhistoriques locales.

  • Techniques de transport : On suppose que la rivière Isle était utilisée comme voie de déplacement, peut-être grâce à des embarcations rudimentaires, au moins pour faire flotter des cargaisons de bois ou d’outils.
  • Echanges culturels et diversité : Certains objets rituels retrouvés à proximité de Le Change présentent des styles venus d’autres vallées, suggérant aussi des mélanges de populations ou des cérémonies communes.

Explorer les vestiges aujourd’hui : idées de balades et conseils pratiques

Pour les curieux qui souhaitent marcher sur les pas de nos ancêtres, plusieurs sentiers balisés longent les anciens sites d’occupation humaine autour de Le Change. Bien que la majorité des vestiges soient protégés et non accessibles sans encadrement scientifique, voici quelques pistes pour appréhender la préhistoire locale :

  1. Randonnée sur les coteaux de l’Isle : Les paysages de calcaire et les falaises « percées » sont parfois les portes d’abris préhistoriques, dont l’observation attentive permet d’imaginer la vie de jadis. Prendre le sentier du Bois de la Côte permet une vue d’ensemble sur l’entrelacs des anciennes terrasses alluviales.
  2. Visite au Musée d’Art et d’Archéologie du Périgord (Périgueux) : Nombre d’outils et objets issus des fouilles de la vallée de l’Isle y sont exposés, notamment des silex taillés et des pièces d’industrie osseuse provenant de sites tout proches de Le Change.
  3. Observer la géologie dans le village : Les strates calcaires visibles le long des routes témoignent de l’environnement dans lequel évoluaient les hommes préhistoriques et sont souvent riches en fossiles.
  4. Participer aux journées de l’archéologie : Chaque année, en juin, de nombreux sites ouvrent leurs portes ou proposent des ateliers de fouilles simulées, notamment à Montignac ou Les Eyzies. C’est l’occasion de manipuler de véritables répliques d’outils tout en apprenant l’histoire du pays.

Petite astuce locale : certains habitants passionnés, souvent membres d’associations patrimoniales, organisent des balades commentées à la découverte des paysages préhistoriques. N’hésitez pas à vous renseigner en mairie ou auprès de l’office de tourisme de la Vallée de l’Isle.

L’héritage préhistorique, une source d’identité pour Le Change

Le Change porte en lui la mémoire de milliers d’années d’aventures humaines. Les vestiges préhistoriques ne sont pas de simples reliques du passé, mais un héritage vivant, qui permet à la fois de mieux comprendre notre environnement et d’alimenter la fierté locale. Ils rappellent enfin que le Périgord, avec sa vallée de l’Isle, n’a jamais cessé d’être un carrefour entre nature, innovation et rencontre humaine.

Pour ceux que la préhistoire intrigue, il reste tant à découvrir, entre balades, musées et rencontres avec des passionnés. Gardez l’œil ouvert lors de vos prochaines marches autour de Le Change : chaque pierre, chaque méandre pourrait bien vous raconter une histoire vieille de 10 000 ans.

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