Voyage à travers le temps : l’église de Le Change, témoin des siècles et de ses métamorphoses

30 août 2025

Un patrimoine pluriséculaire : brève histoire de l’église de Le Change

Lovée au cœur de la vallée de l’Auvézère, à quelques pas du vieux pont et de l’ancien bourg, l’église de Le Change se dresse depuis plus de neuf cents ans. Dédiée à Saint-Pierre-ès-Liens, elle figure parmi les églises rurales remarquables du Périgord. Les premières mentions de l’édifice remontent au XIe siècle, à une époque où les églises romanes fleurissent en Dordogne (Source : Base Mérimée, Ministère de la Culture).

Sa position, légèrement en retrait, évoque d’anciennes logiques d’implantation, liées tant à la proximité du château féodal qu’aux voies de passages médiévales. Au fil des siècles, l’église n’a cessé de se transformer : si elle conserve son apparence modeste, c’est une véritable mosaïque de styles et d’époques, le résultat d’un dialogue ininterrompu entre la foi, la vie locale et les nécessités de chaque époque.

Des origines romanes aux adaptations gothiques

L’édifice primitif, tel qu’imaginé au XIe siècle, était constitué d’une nef unique et d’un chœur en hémicycle, typique du roman périgourdin. Les murs épais (près d’un mètre vingt à certains endroits !), les petites ouvertures et l’absence de transept témoignent de cette sobriété originelle.

  • Le portail d’entrée : en plein cintre, il a conservé une bonne partie de son décor sculpté, même si les motifs ont été altérés par le temps et les restaurations.
  • Le chevet : semi-circulaire, il possède encore sa maçonnerie d’origine, faite de pierres locales à joints discrets, révélant la main des premiers bâtisseurs.

Entre les XIIIe et XVe siècles, la région connait une période de troubles, entre les conflits féodaux et la guerre de Cent Ans. L’église va alors connaître plusieurs interventions. Selon les archives diocésaines de Périgueux, la nef a été surélevée pour ajouter une voûte en berceau brisé, signe d’une influence gothique qui a gagné le Périgord sous l’impulsion des évêques de Sarlat et Périgueux (Source : "Patrimoine en Périgord", L. Corchade, 1999).

L’église, refuge contre les conflits

Une anecdote locale raconte qu’en 1369, lors du retour des troupes anglaises sur la vallée, les habitants de Le Change s’y seraient réfugiés avec quelques biens précieux et que des meurtrières auraient été percées à cette période – bien visibles sur la façade sud, encore aujourd’hui. Ce souvenir a donné le surnom de “petite forteresse” à l’église.

Des siècles d’usures : interventions entre le XVIe et le XVIIIe siècle

Au fil du temps, l’église subit divers outrages : incendies, infiltrations, mais aussi des adaptations à la liturgie qui évolue (installation d’autels annexes, introduction de statues).

  • La cloche : en 1587, la cloche est refondue, comme en atteste une inscription désormais effacée (conservée en transcription aux archives départementales de la Dordogne).
  • Les enduits : au XVIIe siècle, l’intérieur est recouvert d’un enduit à la chaux, pratique commune en Nouvelle-Aquitaine pour protéger les murs de l’humidité.
  • Le mobilier : plusieurs pièces, notamment les sièges canoniaux, datent de cette période, tout comme les fonts baptismaux de style Renaissance (cf. Inventaire général, 1977).

En 1751, d’importants travaux de toiture sont subventionnés par le chapitre de Périgueux, soucieux de préserver un édifice menacé par le pourrissement des charpentes. Détail amusant : les comptes paroissiaux de l’époque mentionnent la réutilisation de bois issu des moulins voisins pour remplacer certaines poutres !

Le XIXe siècle : sauvetage et embellissement à l’âge du renouveau religieux

La Révolution française a laissé sa marque, y compris à Le Change : l’église est brièvement fermée, le clocher subit des dégradations et le mobilier liturgique est dispersé. Mais c’est au XIXe siècle, avec la vogue du néo-gothique et l’impulsion des campagnes de rénovation initiées par les préfets, que débute une ère de transformation décisive.

  • Restauration du clocher-mur (vers 1848) : effondré partiellement en 1841 lors d’un orage, il est reconstruit sur des plans inspirés de l’architecture locale, mais avec un couronnement plus sobre.
  • Ouvertures agrandies : souci de clarté oblige, plusieurs baies étroites sont élargies côté sud, à la demande du curé qui trouvait l’intérieur trop sombre pour la messe dominicale (lettre conservée en mairie, 1853).
  • Pose de vitraux : en 1876, l’artisan verrier bordelais Gustave-Pierre Dagrand livre trois vitraux “aux couleurs vibrantes”, selon la presse locale, dont celui du chœur, encore visible aujourd’hui.
  • Habillage du sol en carreaux de terre cuite, remplaçant l’ancien dallage irrégulier. On a retrouvé, sous ces carreaux, des sépultures anciennes, probablement des notables locaux des XVIIe-XVIIIe siècles (Source : fouilles menées lors des travaux en 1993, AD24).

Un détail révélateur : les graffiti de pèlerins

Sur les murs, à hauteur d’homme, on distingue de nombreux graffiti laissés par des pèlerins de Compostelle, passant par Le Change sur la voie de Vézelay. On y déchiffre croix, dates ou monogrammes (dont certains datés de 1812 et 1835).

Du XXe siècle à aujourd’hui : préserver et valoriser

Au XXe siècle, l’église traverse de nouvelles mutations. Entre l’abandon relatif de l’entre-deux-guerres et le regain d’intérêt pour le patrimoine, plusieurs campagnes de restauration se succèdent, souvent sous l’égide de la commune et de l’association de sauvegarde locale.

  1. 1938 : consolidation de la toiture après des infiltrations importantes, nécessitant le remplacement complet de la couverture en tuiles plates traditionnelles.
  2. 1962 : électrification et premiers travaux d’éclairage intérieur.
  3. 1971 : restauration du chœur : décapage des enduits XIXe pour retrouver les traces d’anciennes fresques romanes. Quelques fragments de polychromie ont pu être préservés et sont visibles lors des visites guidées estivales.
  4. 1993 : campagne de fouilles à l’occasion de travaux sous l’autel, révélant des sépultures et ossuaires attribués à des prêtres du XVIIIe siècle.
  5. Depuis 2005 : mise aux normes et restauration progressive des maçonneries, des vitraux et du mobilier, avec l’aide de la Fondation du Patrimoine.

Des matériaux à la technique : comprendre les choix de chaque époque

Chaque restauration a été influencée par la disponibilité des matériaux, le coût, mais aussi la connaissance patrimoniale du moment. Par exemple, la remise en état des murs en 2018 a utilisé des mortiers à la chaux proches des recettes médiévales, afin de laisser “respirer” l’édifice et éviter les remontées d’humidité – une approche désormais préconisée sur nombre d’églises anciennes (cf. Fondation du Patrimoine).

Les bénévoles locaux, notamment lors de l’opération “Église ouverte” en 2010, ont contribué à nettoyer et valoriser les boiseries, exposant le mobilier ancien remis au jour sous la poussière du temps.

Anecdotes et petites histoires attachées à l’église

Impossible d’évoquer les transformations de l’église de Le Change sans rappeler quelques histoires locales savoureuses. Ainsi, la cloche actuelle, installée en 1954 après la disparition de la précédente durant la Seconde Guerre mondiale (réquisitionnée pour l’effort de guerre selon la tradition orale), porte le prénom “Marie-Rose”, choisi en mémoire d’une bienfaitrice locale. Lors d’un violent orage en 1924, un éclair aurait provoqué l’effondrement partiel de la sacristie, heureusement vite réparé grâce à une mobilisation des habitants – la photo du chantier, où l’on reconnaît plusieurs figures locales, est précieusement conservée à la médiathèque du village.

Autre fait marquant : l’église est parfois présentée comme lieu de “miracle” lors d’une épidémie de choléra en 1854 ; un ex-voto peint en témoignait encore dans l’ancienne sacristie avant sa disparition dans les années 1980.

L’église aujourd’hui : un patrimoine vivant et accessible

Si l’église a traversé tant de phases, c’est aussi grâce à l’implication continue des habitants et des élus de Le Change. Depuis l’inscription à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques en 2004 (Arrêté préfectoral, voir Base Mérimée, PA00082549), les travaux sont menés avec le plus grand soin. Des visites guidées, notamment lors des Journées du Patrimoine, permettent de faire découvrir les différentes phases architecturales et les trésors cachés de cet édifice.

Régulièrement, de petits travaux d’entretien sont entrepris : reprise des joints, traitement contre l’humidité, surveillance des toitures… et le projet à venir concerne l’accessibilité et la valorisation des abords, afin d’ouvrir encore davantage cette page d’histoire aux promeneurs et curieux d’un jour.

Pour aller plus loin : sources et suggestions de visite

  • Base Mérimée - Ministère de la Culture : https://www.pop.culture.gouv.fr/
  • Laurent Corchade, Patrimoine en Périgord, 1999.
  • Archives départementales de la Dordogne (série 104E, 1865-1993).
  • Association “Les amis du patrimoine du Change”.
  • Visites guidées : se renseigner auprès de la mairie ; des visites sont organisées chaque été, parfois en nocturne.

L’église de Le Change incarne la superposition des époques, le dévouement des générations et l’évolution des sensibilités. Elle n’est pas seulement un monument, mais un livre ouvert sur l’histoire du village, à découvrir au fil des restaurations… et des promenades.

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