L’église Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Le Change : chroniques d’un monument vivant du Périgord

24 août 2025

Une église au cœur de l’histoire locale

Nichée dans le vallon de la Beauronne, l’église Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Le Change attire d’abord par son emplacement paisible, un peu à l’écart du centre-bourg. Ici, le visiteur ne découvre pas qu’un simple édifice : il s’agit d’un bâtiment témoin de près de mille ans d’histoire locale, témoin muet des soubresauts de la Dordogne et du Périgord depuis le XII siècle.

L’église doit son nom aux deux saints patrons, Pierre et Paul, pierre angulaire de la communauté chrétienne, mais aussi condensé symbolique de l’attachement du village à la tradition et à la modernité. Cet édifice se dresse dans un paysage qui a vu passer chevaliers, pèlerins, paysans, et même des bandes de brigands, lors des périodes troublées du Moyen Âge.

Aux origines : le XII siècle et l’art roman périgourdin

La première église du village aurait été construite au début du XII siècle, alors que la région connaît une véritable floraison de constructions religieuses. Le Périgord, alors dépendant du diocèse de Périgueux, voit s’ériger nombre d’églises romanes, dont Saint-Pierre-et-Saint-Paul conserve plusieurs éléments remarquables.

Les parties les plus anciennes, dont la base du clocher, datent de cette période. Ici, l’art roman périgourdin s’exprime avec des murs épais, des petites fenêtres en plein cintre, et une architecture sobre, adaptée à une ruralité qui se protège autant des intempéries que des invasions.

  • Le clocher carré : Bâti sur la croisée du transept, il présente les caractéristiques typiques du roman local (pierre calcaire, baies géminées étroites).
  • Le chevet : Semi-circulaire, il présente à l’extérieur une corniche à modillons dont quelques-uns sont sculptés de motifs végétaux ou grotesques, témoignant d’une tradition populaire.

La présence d’un cimetière autour de l’église, observable jusqu’au début du XIX siècle, nous rappelle que ces lieux étaient longtemps au centre de la vie – et de la mort – du village.

Le Moyen Âge tourmenté : guerres, reconstruction et campagnes

Les siècles qui suivent la construction de l’église voient le Périgord visé par nombre de guerres et ravages. Durant la guerre de Cent Ans (1337-1453), la région de Le Change, trop proche de Périgueux mais aussi de périmètres stratégiques telle la vallée de l’Isle, devient un passage pour des compagnies armées. Les archives départementales signalent plusieurs saccages et reconstructions partielles.

Un exemple marquant : au milieu du XVe siècle, on relève la réfection d’une partie du mur nord, avec des pierres de tailles différentes et un mortier distinct, visibles encore par les observateurs attentifs. (Source : Archives départementales de la Dordogne).

Renaissance et baroque : embellissements et trésors cachés

Avec le retour de la paix et l’essor économique du XVI siècle, l’église connaît plusieurs embellissements. C’est le temps des retables, des boiseries, des premiers vitraux décoratifs.

  • Le retable en bois, réalisé au XVII siècle, orne encore aujourd’hui le chœur. Il se distingue par ses colonnes torsadées et ses dorures simples mais élégantes, caractéristiques de l’art baroque rural périgourdin.
  • On y découvre également une cloche fondue en 1612, selon l’inscription demeurée lisible, qui continue aujourd’hui de rythmer la vie du village.

Certains historiens locaux (voir : Passion Communes) font remonter à cette période l’apparition d’un petit reliquaire, probablement offert par une famille notoire du village, qu’on découvre parfois lors des visites guidées estivales.

Église et Révolution : histoires locales et sauvegardes inattendues

Au XVIII siècle, la paroisse compte près de 400 âmes – un chiffre stable pour l’époque, mais qui témoigne de l’importance sociale de l’église. Durant la Révolution française, de nombreux objets cultuels sont menacés de destruction ou de confiscation : les archives communales relatent que plusieurs paroissiens cachent alors une partie du mobilier liturgique, dont des chandeliers en laiton et des registres paroissiaux.

La cloche, elle, échappe à la fonte destinée à transformer les métaux en canons révolutionnaires : une anecdote locale rapporte qu’un marguillier la fit descendre, la cacha sous une meule de foin durant deux ans, puis la remit en place à la faveur du Concordat de 1801.

Si certaines fresques murales de la nef subsistaient encore au début du XIX siècle, elles ont quasiment disparu aujourd’hui sous les badigeons postérieurs et les restaurations du XX.

Évolutions contemporaines : restaurations et valorisation patrimoniale

Tout au long du XX siècle, l’église Saint-Pierre-et-Saint-Paul bénéficie de plusieurs campagnes de restauration, souvent portées par l’engagement des habitants de la commune et la mobilisation des Monuments Historiques.

  • En 1968, le clocher présente des fissures importantes, nécessitant la consolidation de la base et la pose de tirants métalliques – une opération qualifiée à l’époque de « sauvetage in extremis » par le Conseil Municipal.
  • Dans les années 1980, la toiture en lauze – particularité régionale notable – est restaurée à l’identique, en utilisant des pierres extraites du proche plateau calcaire.

Des chantiers participatifs sont organisés dans les années 2000 afin de nettoyer le parvis, redécouvrir les pierres tombales anciennes, et initier des enfants du village à la préparation de la fête patronale.

Des symboles pour la vie villageoise

L’église ne se résume pas à son architecture : elle demeure au centre de nombreux rites collectifs, de la messe de Noël à la traditionnelle bénédiction des récoltes lors de la fête communale.

  • Chaque été, elle abrite concerts ou expositions dans le cadre du festival de la vallée de la Beauronne, qui attire près de 300 visiteurs par an.
  • Une curiosité pour les amateurs : le cadran solaire du portail sud, quasi effacé, qui montre l’ingéniosité des bâtisseurs mais aussi l’importance de rythmer la vie paysanne.

Anecdotes et détails méconnus

Plusieurs éléments singuliers font de l’église Saint-Pierre-et-Saint-Paul une halte pleine d’histoires :

  • Une pierre d’autel portant la date de 1711, découverte lors de travaux de rénovation dans le chœur, a été replacée dans la sacristie. Elle serait, selon la tradition orale, l’un des rares éléments intacts d’origine.
  • Le vitrail central du chevet, posé en 1947, offre une représentation moderne et colorée de la Transfiguration, réalisée par Jacques Le Chevallier, maître-verrier reconnu du XX siècle (source : Mémoire du Verre, association nationale des artisans verriers).
  • Des graffiti gravés sur les bancs de la nef, parfois datés de 1820 à 1875, témoignent du passage de générations de catéchumènes distraits… ou amoureux !

Il existe l’habitude ancienne pour les familles du village d’orner la porte avec des bouquets de buis et de roses à la Saint-Pierre (29 juin), perpétuée encore de nos jours par certains habitants.

Un patrimoine inscrit dans le temps

L’église Saint-Pierre-et-Saint-Paul est inscrite à l’inventaire général du patrimoine culturel de la Nouvelle-Aquitaine depuis 1996 – une reconnaissance qui souligne sa valeur à l’échelle régionale mais aussi son attachement à la mémoire collective locale (source : Région Nouvelle-Aquitaine).

  • Surface de la nef : 86 m², pouvant accueillir environ 120 personnes.
  • Hauteur du clocher : 14 mètres (à la croix sommitale).

Au-delà de son rôle liturgique, l’église témoigne toujours du subtil dialogue entre permanence et évolution. Les visiteurs, fervents ou curieux, y trouvent une atmosphère à la fois recueillie et chaleureuse, et il n’est pas rare, un dimanche matin, d’entendre résonner dans la nef un chant occitan, rappel vibrant de la spécificité culturelle du Périgord.

Pour aller plus loin : l’église et les chemins de traverse

Pour les férus de patrimoine, l’église Saint-Pierre-et-Saint-Paul est aussi la porte d’accès à une balade historique dans le vieux bourg de Le Change. En sortant par le portail ouest, il suffit de descendre le chemin de la fontaine Saint-Jean pour découvrir, à quelques centaines de mètres à peine, les vestiges du lavoir et les anciennes maisons à colombage.

Le diocèse de Périgueux propose ponctuellement des visites guidées et des conférences, notamment à l’occasion des Journées Européennes du Patrimoine (JEP Nouvelle-Aquitaine 2023). N’hésitez pas à participer à l’une de ces rencontres pour glaner anecdotes et souvenirs inédits auprès des habitants et des bénévoles passionnés!

Découvrir l’église Saint-Pierre-et-Saint-Paul, c’est plonger dans mille ans de quotidien, d’émotions et de gestes simples, loin des sentiers battus. C’est aussi mieux comprendre comment ces pierres silencieuses continuent aujourd’hui de parler aux cœurs et aux voyageurs de passage.

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