Le Change, berceau archéologique du Périgord : vestiges, fouilles et histoires singulières

5 octobre 2025

Un site occupé dès la Préhistoire : abris sous roche et occupations paléolithiques

En Dordogne, difficile de parler de fouilles sans évoquer la Préhistoire, tant la région en est l’un des berceaux européens. Le Change ne fait pas exception, et c’est d’ailleurs grâce à ses abris sous roche, disséminés dans la vallée de l’Isle, que le site s’est imposé aux archéologues dès le XIXe siècle.

Les premiers inventaires archéologiques : la découverte de l’abri du Roc

  • L’abri du Roc, fouillé dès 1863 par Édouard Lartet, pionnier de la Préhistoire, a livré parmi les toutes premières preuves d’occupation magdalénienne dans la région, soit entre -17 000 et -12 000 ans. Sa stratigraphie montre une succession d’occupations humaines.
  • Les objets phares retrouvés comprennent des grattoirs en silex, des burins pour travailler l’os, mais aussi quelques pointes dites “de Teyjat”, typiques du Magdalénien final (Périgord Découverte, Archéologie).
  • Un foyer fossilisé d’environ un mètre de diamètre a permis d’identifier la pratique régulière du feu.

Plus récemment, des inventaires réactualisés par le SRA Nouvelle-Aquitaine (Service Régional d’Archéologie) signalent trois autres abris ornés sur la commune, dont deux situés à moins de deux kilomètres du bourg, attestant l’importance stratégique de la vallée et de ses faiblesses géologiques pour l’habitat humain (source : Carte Archéologique de la Gaule, “24 – Dordogne”).

Le Change, dans le réseau des sites paléolithiques du Périgord

  • Le site communique étroitement avec d’autres grottes prestigieuses du Périgord noir, comme la grotte de Lascaux (à 35 km), Bouyssonie, ou la grotte du Sorcier à Saint-Cirq.
  • L’abri du Roc, tout comme l’abri Blanchard voisin, illustrent la tradition de l’art pariétal et mobilier du Magdalénien, même si à Le Change, il s’agit surtout d’outillage lithique et non de peintures rupestres colossales.

À noter une anecdote locale : c’est lors d’une crue spectaculaire de l’Isle, au début du XXe siècle, que de nouveaux vestiges magdaléniens furent découverts à la surface, enrichissant fortuitement les collections régionales.

Traces d’une présence gallo-romaine : entre villae et sanctuaires

Loin de se limiter à la Préhistoire, Le Change a également conservé les marques d’une occupation durant l’Antiquité gallo-romaine. Les archéologues ont identifié plusieurs vestiges, souvent en lien avec la proximité de l’ancienne voie reliant Vésone (Périgueux) à la vallée de la Vézère.

  • Fragments de tegulae et d’amphores régulièrement retrouvés lors de travaux agricoles attestent l’existence de villae, ces grandes exploitations agricoles dispersées dans la campagne gallo-romaine.
  • Un sanctuaire votif, signalé dans les archives du XIXe siècle, a été partiellement fouillé lors d’un chantier d’aménagement en 1974. On y a retrouvé des monnaies du Haut-Empire (Auguste à Néron) ainsi que des ex-voto en terre cuite, caractéristiques des cultes domestiques.
  • Un petit trésor de monnaies a été trouvé derrière l’église, comprenant des pièces en bronze frappées sous les règnes de Claude et Domitien, illustrant la circulation et la prospérité locale au Ier siècle après J.-C. (source : Revue Archéologique du Sud-Ouest, 1977).

Si les fouilles sont ici moins spectaculaires que celles de Vésone à Périgueux, elles contribuent pourtant à documenter la “romanisation” du Périgord rural, avec un tissu villa-réseau qui a préfiguré l’habitat dispersé d’aujourd’hui.

Le mystère des tumulus celtiques : nécropoles de l’âge du Fer

Chose moins connue, Le Change se trouve à la limite de zones où plusieurs tumulus protohistoriques (âge du Fer) ont été recensés. Le plus imposant d’entre eux, le tumulus de Plagne, s’élève à la lisière sud de la commune. Ces tertres funéraires, typiques du VIIe au IVe siècle avant notre ère, intriguent encore les archéologues quant à leur fonction réelle et leur rayonnement.

  • Le tumulus de Plagne fut sommairement fouillé en 1888 par l’abbé Audierne, qui mit au jour un cercle de pierres, quelques fragments de céramique noire et un bracelet de bronze ornant une sépulture isolée.
  • Les archéologues soupçonnent la présence d’au moins deux autres tumulus sur la commune, aujourd’hui arasés ou intégrés dans des propriétés privées.
  • La nécropole atteste l’existence d’une communauté gauloise structurée, aux contacts des peuples Pétrocores et Lémovices du Limousin voisin (cf. Paleorient).

Moyen Âge : fortifications et sites castraux révélés par la fouille

Le passé médiéval de Le Change se lit moins dans ses grands monuments que dans les traces plus discrètes, révélées ces vingt dernières années lors de différents diagnostics préventifs obligatoires avant travaux (en tranchées, réseaux, etc.).

La motte féodale de La Plâtrière

  • Située au sud-est du bourg, cette motte a été sondée à plusieurs reprises depuis les années 1990. Les fouilles ont mis en valeur la présence d’une palissade de bois charbonneux, datée au carbone 14 aux alentours de 1050-1100.
  • Des tessons de céramique grise typique du Haut Moyen Âge etaient mêlés à des ossements animaux, témoignant d’une occupation agro-pastorale autour du castrum primitif.
  • La motte, en partie arasée lors notamment de la construction de la route départementale, reste toutefois visible de nos jours quand les herbes sont légèrement couchées après la pluie.

Les fortifications du bourg : indices palimpsestes

  • Les fondations de maisons du centre ancien, révélées par des fouilles entre 2007 et 2011 lors de travaux de voirie, ont montré des murs en opus spicatum (appareil en arêtes de poisson), daté du XIIe siècle.
  • Un fossé défensif a été mis au jour sur près de 30 mètres ; il aurait protégé la basse-cour du petit château éponyme, dont il ne reste que deux pans de mur.

À chaque étape du chantier, ce sont des fragments de tuiles, des clés de voûte ornées, mais aussi de la vaisselle de table “grisâtre” qui ont enrichi le musée de la commune créé en 2013.

Fouilles préventives contemporaines : construction et protection du patrimoine

Depuis les années 2000, l’activité archéologique à Le Change prend un nouveau visage. Les fouilles préventives, imposées par la législation lors de projets immobiliers ou de réseaux, participent à la sauvegarde de vestiges mais aussi à une connaissance renouvelée du sous-sol communal.

  • En 2012, lors de la construction de la nouvelle école, un niveau gallo-romain a été identifié par la société Hadès (archéologie préventive) : on y a découvert un puits en pierre sèche, rempli de fragments de vaisselle et de restes fauniques (os de porc, bovins, etc.). Ce puits a été daté entre 70 et 120 après J.-C.
  • En 2019, un diagnostic sur l’ancien presbytère a mis au jour une sépulture chrétienne du haut Moyen Âge, avec un modeste mobilier funéraire (broche de bronze, couteaux à lame ferreuse fragilisée), suggérant la christianisation précoce du village.
  • À chaque campagne, la DRAC Nouvelle-Aquitaine recense et documente l’ensemble des vestiges sur sa carte des sites archéologiques.

Ces opérations sont cruciales pour concilier développement local et respect du patrimoine : à Le Change, elles permettent par exemple une meilleure valorisation touristique et scolaire lors de visites guidées.

L’impact des fouilles archéologiques : un héritage vivant à Le Change

À travers ces différentes phases de fouilles, Le Change apparaît aujourd’hui comme un “concentré” d’Histoire typique du Périgord. Préhistoire, Antiquité, Moyen Âge et époque moderne s’y entrecroisent, révélant une surprenante continuité d’occupation humaine. Quelques chiffres pour illustrer cet héritage :

  • Plus de 1200 objets répertoriés au musée communal, issus à 60% des fouilles du XXe siècle.
  • Une quinzaine de sites officiellement protégés ou classés, dont trois abris sous roche à intérêt préhistorique majeur.
  • 5 diagnostics archéologiques préventifs réalisés depuis 2000, pour une surface cumulée de 13 000 m² étudiée scientifiquement (source : SRA Nouvelle-Aquitaine).

Le patrimoine archéologique est aussi une histoire d’anecdotes : en 1952, lors de la réfection du muret du cimetière, une amphore antique a été “emportée” par l’ouvrier et… retrouvée béquillée dans un potager voisin, avant d’intégrer une salle d’exposition du village !

Entre mémoire locale et avenir : Le Change, terrain de découverte pour tous

Si les grandes fouilles de type “spectaculaires” appartiennent pour l’essentiel au passé, Le Change reste un terrain privilégié pour la recherche et l’éducation patrimoniale. Plusieurs balades commentées sont organisées chaque année pour découvrir les traces de la Préhistoire ou les ruines gallo-romaines inscrites dans le paysage. L’école du village consacre d’ailleurs chaque printemps un atelier pédagogique autour du mobilier archéologique local.

Les perspectives pour la valorisation de ce patrimoine ne manquent pas : vers une signalétique sur site, digitalisation des collections du musée, et pourquoi pas un “circuit archéo” reliant Le Change avec les autres villages historiques de l’Isle.

L’aventure archéologique à Le Change se vit aussi au quotidien : chaque pierre, chaque sentier du village peut révéler un pan de notre passé. La curiosité et la vigilance des habitants, associés au travail de prospection des archéologues, participent à la préservation et au rayonnement d’un patrimoine qui ne cesse d’inspirer, petits et grands, locaux ou visiteurs de passage.

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